En 2017, le Conseil supérieur de la Santé belge a défini la sexologie clinique comme « une discipline clinique dans laquelle des théories, méthodes et techniques issues des sciences biomédicales et psychosociales sont mises au point et appliquées de manière autonome par un professionnel spécifiquement formé, dans le but d’améliorer la santé sexuelle de toutes les personnes, malades ou en bonne santé, de couples, de familles, groupes ou communautés ».
La sexologie clinique est l’aspect pratique, thérapeutique de la sexologie qui est une science. La sexologie clinique n’est pas une sous-discipline – ni de la médecine ni même de la psychologie. Elle est une profession de santé à part entière.
La sexologie clinique aujourd’hui ne devrait plus seulement s’intéresser aux troubles sexuels. Elle doit également prendre en charge l’amélioration de la santé sexuelle des individus qui ne connaissent pas de difficultés dans leur vie intime. Il n’en reste pas moins que la plupart des sexologues cliniciens se focalisent toujours majoritairement sur la prise en charge des seules dysfonctions sexuelles. C’est pourquoi, de nombreuses personnes dont la sexualité se déroule sans encombre mais qui souhaiteraient malgré tout développer davantage leur vie sexuelle n’osent pas ou ne pense pas consulter. Elles supposent à tort qu’elles n’ont pas leur place chez un sexologue, que les consultations de sexologie ne leur sont pas destinées.
Pour ma part, sans pour autant délaisser le suivi « classique » des troubles de la sexualité, je considère que mon rôle de sexologue est aussi d’offrir un accompagnement aux personnes désireuses de développer une sexualité qui corresponde davantage à leurs envies et à leurs attentes. Je considère qu’il est essentiel aujourd’hui que des individus qui se questionnent sur la place de la sexualité dans leur quotidien ou qui s’interrogent sur le sens et le statut de la sexualité dans leur vie puissent être soutenues par un professionnel qualifié dans cette démarche. Celle-ci nécessite du courage et de l’audace. Car en s’émancipant d’une sexualité standard et en cherchant à personnaliser leur pratique de la sexualité, il arrive que ces personnes se sentent incomprises, isolées et aient l’impression d’être « originales » ou « hors-norme ».
Pratiquer une sexologie clinique contemporaine, c’est donc à mon sens exercer une sexologie qui s’intéresse « positivement » à la sexualité, c’est-à-dire non pas seulement quand celle-ci va mal mais aussi quand il s’agit de la développer comme un aspect de nous-mêmes, comme une activité qui peut exprimer toutes les particularités de notre être. En effet, nous pouvons délibérément, si nous le souhaitons, octroyer une place essentielle et centrale dans notre existence plutôt que d’en faire une activité mineure reléguée au second plan.
Bien souvent, nous avons tendance à associer sexualité et génitalité. Communément, nous pensons et nous vivons la sexualité principalement sous un angle génital, en tant qu’elle est centrée sur la pénétration. De mon point de vue, la sexualité ne consiste pas seulement à avoir des rapports sexuels ! D’autres pratiques, des pratiques que l’on considère généralement comme secondaires ou accessoires à la pénétration (les baisers, les caresses, la masturbation… en fait, toute pratique érotique non pénétrative) appartiennent à part entière à notre vie sexuelle et ne doivent pas être négligées.
Aussi, la sexualité est souvent perçue au travers de catégories binaires auxquelles sont rattachées bon nombre de généralités qui manquent clairement de pertinence à mon avis (les hommes se comportent comme ceci, les femmes aiment cela…) et qui font fi de toute la diversité des genres et des orientations sexuels existants aujourd’hui.
Enfin, nous imaginons volontiers quand nous sommes en couple, que notre sexualité est liée à celle de notre partenaire, oubliant que la sexualité est d’abord une affaire personnelle. La sexualité est d’abord celle d’un individu et de ses choix. Si elle peut être vécue à l’intérieur d’un couple, le cadre conjugal n’est pas nécessairement l’unique lieu de la pratique sexuelle.
Exercer la sexologie clinique contemporaine implique donc pour le sexologue d’être résolument contemporain, c’est-à-dire libéré des clichés, ouvert à la diversité et capable de pratiquer la sexologie en tant qu’elle s’intéresse non pas à la sexualité mais bien aux sexualités. J’aide donc les personnes à améliorer leurs vies sexuelles non pas seulement comme capacités ou techniques mais aussi comme expression de soi.